une méthode d’imagerie médicale ultra-spécialisée. Même si il semble que l’étude a été réalisée sur un petit échantillon de patientes (20), cela a rendu visible la fibromyalgie et a permis de la différencier de la dépression et de l’anxiété. Quoi qu’il en soit, on ne peut pas déterminer quel est l’œuf ou la poule : la douleur chronique ou ces anomalies ? Des aspects psychosociaux ont également fait l’objet d’études afin de déterminer leur importance dans la maladie. On a ainsi évoqué, comme éléments potentiellement favorisant, les événements de vie (violence et abus sexuels sont souvent rapportés par les personnes fibromyalgiques), le niveau d’activité, les cognitions (processus mentaux liés aux connaissances : mémoires, langages, raisonnements, émotions, etc…), ou les antécédents psychiatriques. Actuellement, si certaines pistes semblent intéressantes, l’influence de ces différents éléments reste difficile à déterminer et il semblerait qu’aucune explication n’ait pu remporter l’approbation On pourrait considérer que certains de ces aspects jouent un rôle de facteurs prédisposant, d’autres, précipitant et d’autres, un rôle d’entretien ou de renforcement dans le parcours de la maladie.
4. Quelles sont les possibilités de traitement ?
Aujourd’hui les traitements proposés sont d’une efficacité toute relative et font encore l’objet de recherches. La facette médicamenteuse regroupe divers médicaments tels qu’anxiolytiques, antidépresseurs, psychotropes, ou antalgiques (tout en sachant que les corticoïdes et les anti-inflammatoires non stéroïdiens, comme l’Irfen ou le Voltaren, n’ont apparemment pas d’effet sur la douleur dans la fibromyalgie). Mais on ne peut pas se contenter de traiter ce syndrome avec des médicaments, sous peine d’échec. Le traitement non pharmacologique est souvent multidisciplinaire. On se rend compte, en effet, pour les douleurs chroniques en général que la multidisciplinarité est très importante, permettant une prise en charge globale d’un problème qui touche la personne dans son entier, voire dans son identité.
Ce traitement peut comprendre, entre autres, massages, physiothérapie, balnéothérapie, relaxation, mais aussi psychothérapie ou autres prises en charges psychiatriques. Il semblerait que de nombreux patients fibromyalgiques se tournent vers des médecines alternatives.
L’éducation thérapeutique est aussi très importante, incluant la personne de façon active dans les soins qui sont donnés. En effet, la façon dont la personne se positionne face à ses douleurs et sa prise en charge thérapeutique semble essentielle.
Cela demande donc une très bonne communication entre les différents intervenants et avec le patient lui-même. Pour les soignants, il faudrait être le plus clair et réaliste possible.
5. Quelques difficultés et questions liées à cette problématique :
Diagnostiquer les troubles somatoformes s’avère difficile pour plusieurs raisons:
Le diagnostic est posé par élimination : comment savoir si tout est éliminé ?
Ce diagnostic valide la dichotomie corps-esprit en parlant de « somatoforme », alors que, comme nous l’avons vu plus haut, les différents aspects de la maladie restent très difficiles à séparer les uns des autres. Les catégories s’interpénètrent entres elles.
Enfin, il n’y a pas de seuils diagnostics clairement définis. C’est d’ailleurs pourquoi les critères diagnostics de la Fibromyalgie sont critiqués : comme dit précédemment, les critères de l’American College of Rheumatology, datant de 1990, comprennent un tableau de cinq items pour définir la notion de douleur diffuse et la description de 18 points sensibles, dont 11 doivent être douloureux à la palpation digitale. Ces critères sont discutables, en raison, par exemple, de la faible durée minimale de la douleur (trois mois), de l’absence de symptômes associés (insomnies, troubles abdominaux, etc…) ou de la question de la pertinence du choix de points douloureux précis pour établir le diagnostic. Ces éléments peuvent en effet donner l’image d’une pathologie très « objective », alors qu’ils reflètent une symptomatologie diffuse et complexe. Mais peut-être les avancées des recherches avec l’imagerie médicale permettront-ils de trouver des critères plus précis et « objectivables » pour ce diagnostic ? Il semble que des nouveaux critères diagnostics basés sur un interrogatoire des patients concernant la douleur et comprenant une échelle de sévérité pour les autres plaintes que les douleurs ont été élaborés en 2010 par un groupe de travail américain. Vont-ils remplacer les anciens ?
Par ailleurs, on remarque aussi que le diagnostic n’est pas bien accepté par les patients (il est lourd de représentations négatives, toujours liées en grande partie à la « psychologisation » de la maladie). Il est également source de confusion dans les litiges entre assurances et médecins. Pour information : les rentes Invalidité attribuées aux personnes fibromyalgiques devraient être peu à peu supprimées en Suisse avec la dernière révision de l’Assurance Invalidité (entrée en vigueur le 1er janvier 2012). Voici le texte officiel : « une base légale est créée pour le réexamen et l’éventuelle adaptation des rentes octroyées en raison d’affections qui, dans l’état actuel de la médecine, ne sont pas objectivables et dont le diagnostic ne repose que sur les affirmations subjectives des patients. » On se rend compte que la fibromyalgie entre parfaitement ans cette catégorie d’affections (de même que beaucoup de maladies psychiatriques, soit dit en passant).
5. Conclusion :
Comme dit, il s’agit d’un sujet complexe dans lequel on se perd facilement (de quoi parle-t-on au juste? Quelle est la différence entre tous ces termes ? Comment diagnostiquer ? Quelle piste de recherche est la bonne ? De quels facteurs tenir compte en premier ?). Ce qui est intéressant, à mon sens, c’est qu’il se trouve à la frontière de la médecine actuelle. Il met en lumière la façon dont un système de définition médicale, dont nous avons besoin, notamment pour des questions d’assurances, mais aussi pour mettre un nom sur la souffrance et choisir un traitement approprié, peut influencer notre pensée et conception des problèmes (classification des maladies en catégories, volonté de trier entre ce qui est psychique et ce qui est physique,..) et comme en réalité les limites peuvent être poreuses et difficiles à définir. Cela mène au final très rapidement à une réflexion sur le diagnostic et ce qu’il représente. Peut-on vraiment diagnostiquer certaines pathologies de façon vraiment objective ? On se rend compte que les diagnostics, comme les mots, ont chacun leurs connotations particulières, influençant la façon dont la personne malade, mais aussi l’entourage, va les recevoir, les intégrer et influençant peut-être au final la réussite ou non des soins. J’ai par exemple rencontré, en faisant des recherches sur ce sujet, une infirmière spécialisée dans un centre de la douleur, qui me disait qu’elle estimait que de poser un diagnostic de fibromyalgie pouvait avoir tendance à arrêter la dynamique que les patients mettaient en marche pour se soigner, en représentant une sorte de « réponse » et donc de « résultat » à un long parcours de recherches et d’examens difficiles et infructueux. Mais j’ai aussi lu que celui-ci pouvait donner une légitimité à la souffrance et représentait donc un soulagement. Ou qu’au contraire, il était teinté de représentations négatives et lourd à porter…
Une citation, qui peut résumer une partie de la problématique de la prise en charge médicale face aux personnes fibromyalgique s et aux maladies « médicalement inexpliquées »:les patients n’ont pas seulement besoin de comprendre leur maladie, mais aussi de savoir que les soignants la comprennent (Dell, 2007).
Jeanne Durussel
( Des renseignements et des conseils pour les personnes atteintes sur le site de la ligue Suisse contre le rhumatisme:
http://www.rheumaliga.ch
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