TéléMoustique n°4312 du 17/09/2008
Alzeihmer, le mal du siècle
Actu-Société
Nous vivons plus longtemps. Forcément, la "maladie de la vieillesse" progresse. Plus vite que la science qui, elle, tâtonne encore. Malgré des progrès, le mal de l'oubli est toujours incurable. Mais on peut le ralentir...
Alzheimer? Impossible: je n'ai que 52 ans! A moins que cela ne soit 53? Je ne sais plus.
"Je te déshabillais et, le temps de me déshabiller moi-même, tu t'étais rhabillé. La nuit, tu te levais toutes les trois minutes pour aller aux toilettes. Tu mettais tes doigts en bouche au lieu de la nourriture. Mon pauvre mari, tu es devenu une chose dont personne ne veut, car tu ne sais plus rien. Le soir, lorsque je te couchais, je te disais "bonne nuit" et je pensais "s'il te plaît, ne te réveille pas"."
Cette lettre, Amy l'a écrite à Gérard, son mari, emporté par la maladie d'Alzheimer. Le mal de la mémoire et de la raison: une maladie mortelle, qui dure une dizaine d'années, et qui reste incurable à ce jour. Cette mort progressive du cerveau, le professeur Christine Van Broekhoven, lauréate du prestigieux prix "Les femmes et la Science", la qualifie de "grande menace pour l'humanité". D'autres la surnomment "la peste du XXIe siècle". Pas qu'elle soit contagieuse, mais parce qu'elle se répand! Rien qu'en Belgique, on dépasserait les 140.000 cas. Dans le monde, plus de 24 millions de personnes en sont atteintes. En 2040, on estime qu'elles seront plus de 80 millions. Et encore, la maladie est largement sous-diagnostiquée!
Pourquoi cette progression? Principalement parce que la population vieillit. Elle vieillit même doublement! Non seulement la tranche des plus de 65 ans grossit mais, parmi elle, c'est le nombre des plus âgés qui croît le plus. "En d'autres termes, explique le Dr Schoevaerdts de l'UCL, si le nombre des gens âgés de 65 ans et plus aura doublé en 2050, celui des nonagénaires, lui, aura été multiplié par neuf!"
Et plus on vieillit, plus la probabilité de développer la maladie augmente. Elle est de 5 à 10 % à 65 ans et grimpe à 20 % à partir de 80 ans. C'est ce qui explique, notamment, que les femmes soient deux fois plus touchées que les hommes: elles vivent plus longtemps. Mais elles sont aussi plus susceptibles d'avoir le diabète, qui est un autre facteur de risque. Vu sa progression actuelle, on estime qu'on pourrait approcher les 470.000 malades dans la Belgique de 2040. Rien que chez nous, près d'un demi-million de vies englouties par l'oubli.
21 septembre: journée mondiale
On comprend que cette maladie inspire une véritable terreur collective. Chaque 21 septembre, la "journée mondiale de la maladie d'Alzheimer" lui accorde une attention particulière. Un sondage français a montré que c'est la deuxième maladie la plus redoutée après le cancer. Cela s'explique par l'explosion des cas, mais aussi par sa nature même: une mort progressive de l'esprit dans un corps qui reste intact, dans un premier temps, du moins. "La première chose qui m'a inquiétée, c'est que sur les photos, maman avait un drôle de regard: fixe et pas trop gentil. C'était son visage, mais ce n'était plus son regard", se souvient Françoise, dont la maman a été diagnostiquée il y a un an.
Les scientifiques avouent ne pas encore tout comprendre dans cette affection décrite pour la première fois il y a un siècle par le neurologue allemand Alois Alzheimer. Contrairement à ce que l'on croit souvent, l'Alzheimer ne désigne pas un vieillissement "normal" du cerveau. Il s'agit d'une maladie! En gros: les cellules du cerveau meurent progressivement, ce qui détériore la capacité de pensée et de mémoire. "Je pars en lambeaux de pensée.", confiait Claude Couturier, auteure du livre Puzzle, journal d'une Alzheimer, dans une interview.
Un deuil avant l'heure
La maladie d'Alzheimer, c'est un deuil avant la mort, expliquent les proches des patients. Son esprit a tellement changé que la personne qu'ils aimaient a, en quelque sorte, disparu. Mais ses colères et son corps, qui a besoin d'attention, leur rappellent qu'elle est encore bien vivante. Mais qu'elle n'est plus que l'ombre d'elle-même.
Les proches se tiennent en équilibre entre la distance qui protège et l'espoir vivace d'une intimité retrouvée, même furtivement. "Parfois, ma mère me dit "Bonjour madame", il lui est aussi arrivé de m'insulter: "sale bête", "idiote", "voleuse".", raconte Véronique. "D'autres fois, elle me reconnaît et est très affectueuse. Le plus dur, c'est son imprévisibilité." Et les moments de lucidité, quand il y en a encore, sont de véritables couteaux dans la plaie, qui ravivent la douleur. A peine pense-t-on avoir retrouvé le patient "comme avant" que déjà le vide ressurgit.
"C'est dur", rapportait Giulia Salvatori, la fille de l'actrice Annie Girardot, dans un livre sur la maladie de sa mère (voir p. ?). "Dur lorsque son regard rempli de haine se fixe sur moi et que ses mots deviennent des reproches, puis des injures, puis des ordures. Dur, lorsqu'elle se met à pleurer en disant: "Mais qu'est-ce qui m'arrive? Qu'est-ce qui m'arrive?" (.) Dur, lorsqu'elle s'aperçoit qu'elle tombe dans ce trou sans fond de l'oubli et qu'elle bat vainement des bras pour se rattraper. Mais le plus dur, c'est de guetter ce moment tant redouté, où je verrai dans ses yeux que je n'existe plus."
Quand on atteint l'âge des bilans, une seule chose, essentielle, se détache: le lien aux autres et au monde qu'on a traversé. C'est pourtant à ce moment que la maladie d'Alzheimer entre sans frapper dans nos souvenirs et les grignote, en silence. Et le jour où l'on se rend compte de ce qu'elle nous a volé, il est déjà trop tard. Certains s'organisent: Marcel, 64 ans, diagnostiqué depuis dix ans, a rédigé des fiches sur ses proches pour se rappeler qui ils sont. Il a même déjà préparé son propre mémo: "Marcel, né en 1944 à Zurich, une femme, une fille." D'autres préfèrent se voiler le plus longtemps possible la face, par peur de s'avouer la vérité.
Le temps perdu ne se rattrape plus
"C'est normal de perdre la mémoire, de ne plus avoir toute sa tête à partir d'un certain âge.", entend-on souvent. Ce genre d'idées reçues retarde pourtant nombre de diagnostics en se jouant de la vigilance des proches. Ou du patient lui-même. "Je me disais: non, ce sont les gens âgés qui ont Alzheimer, raconte Larry Rose dans son livre témoignage Ich habe Alzheimer. Je n'ai que 52 ans. Ou est-ce 53? Je calcule: je suis né en 1937, et maintenant, nous sommes en. hem. En fait, en quelle année sommes-nous?"
On estime qu'il s'écoule deux ans, en moyenne, entre les premiers symptômes et le diagnostic. Malheureusement, la maladie d'Alzheimer est comme dans la chanson de Barbara, "tout le temps perdu ne se rattrape plus". Les dégâts sont irréversibles. Au mieux, on peut ralentir la dégradation. Plus tôt on agit, plus on augmente l'espérance et la qualité de vie. On a donc tout intérêt à consulter son généraliste aux premiers doutes. D'autant que les symptômes de la maladie ressemblent à ceux d'autres affections (dépression, tumeur.) qui peuvent, elles, encore être curables!
On découpe généralement la maladie d'Alzheimer en trois phases de dégradation des capacités: légère, modérée et sévère. Chacune d'elles dure de deux à quatre ans. Au dernier stade de la maladie, la communication est quasi impossible et la personne perd le contrôle de ses fonctions vitales: marcher, avaler, uriner. Le plus souvent, elle meurt d'une affection secondaire, comme une pneumonie. Certes, les scientifiques planchent sur un vaccin qui contrerait la formation des plaques séniles (plaques amyloïdes) dont on soupçonne fortement qu'elles soient le noeud du problème. Mais la solution n'est pas pour demain.
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Christine Surardt
HR & Internal Affairs Assistant
European Banking Federation (EBF) - a.i.s.b.l.
10 rue Montoyer - B- 1000 Brussels
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