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11‏/09‏/2010

Le mariage ? «Un acte de bravoure»


Le mariage d'amour est-il une folie vouée à l'échec ou au contraire la dernière aventure révolutionnaire de notre société ? Réponses très contradictoires du philosophe Pascal Bruckner et de la journaliste Laurence Ferrari, qui ont en commun la passion... des mots.
Le mariage d’amour est-il une folie vouée à l’échec ou au contraire la dernière aventure révolutionnaire de notre société ? Réponses très contradictoires du philosophe Pascal Bruckner et de la journaliste Laurence Ferrari, qui ont en commun la passion… des mots.

Paru le 11.09.2010 , par Propos recueillis par Isabelle Girard Le mariage d’amour est-il une folie vouée à l’échec ou au contraire la dernière aventure révolutionnaire de notre société ? Réponses très contradictoires du philosophe Pascal Bruckner et de la journaliste Laurence Ferrari, qui ont en commun la passion… des mots.

Paru le 11.09.2010 , par Propos recueillis par Isabelle Girard

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Madame Figaro. – Face à Laurence Ferrari, mariée il y a tout juste un an, future mère pour la troisième fois dans deux mois, continuez-vous, Pascal Bruckner, à vous demander si le mariage d’amour a échoué ?
Pascal Bruckner. – Dans mon livre (1), je ne remets en cause ni le mariage ni l’amour, mais la liaison entre l’institution et le sentiment qui n’a pas donné les fruits que l’on espérait. Ce livre est un constat lucide sur l’état du mariage. Au XVIIIe siècle, les réformateurs du mariage et les révolutionnaires ont constaté que la vie affective et familiale était un champ de ruines. Pour tenter de corriger ces dérives de la vie conjugale, ils insistent sur l’obligation de privilégier dans le mariage l’affection réciproque. À la fin du XIXe siècle, chacun milite pour que le mariage soit d’amour, pensant qu’il va renforcer la cohésion du couple, supprimer la prostitution et les infidélités. Cela n’a pas été tout à fait le cas.

Pourquoi ?
P. B. – L’institution était bloquée par l’indissolubilité du mariage. Le premier progrès fut d’arracher le mariage à l’Église et de permettre le divorce. Institué en France par la révolution de 1792, il est supposé rendre au mariage sa fluidité, ne plus en faire une prison à vie.

Laurence Ferrari. – Le divorce sera remis en cause par Napoléon, le code civil consacrant le statut de mineure à l’épouse…

P. B. – Il sera aboli par la Restauration et rétabli par la IIIe République. Une fois simplifié et autorisé dans nos pays, le divorce connaît un triomphe. En 1965, 10 % des couples divorçaient. En 2007, un couple sur deux. Plus on émancipe le sentiment, plus on tient compte de l’affectivité des amants ou des conjoints et, paradoxalement, plus
on fragilise l’institution du mariage. C’est cette évolution paradoxale que j’ai voulu étudier.

L. F. – Je ne suis pas d’accord avec vous. Il n’y a pas d’échec du mariage d’amour. Si on tient compte, aujourd’hui, des deuxièmes et même des troisièmes mariages, on constate que sur un demi-siècle les courbes restent stables.

P. B. – L’échec relatif du mariage d’amour ne remet pas en cause le mariage ou la possibilité de vivre en couple dans le concubinage, l’union libre ou le Pacs. Le Pacs, créé à l’origine pour garantir aux couples homosexuels la transmission des biens, a été adopté par les hétéros qui le préfèrent souvent au mariage. Pourquoi ? Parce que c’est un mariage sans engagement.

Êtes-vous d’accord avec cela ?
L. F. – Ce qui demeure embarrassant, c’est qu’il n’existe pas de mot pour désigner son compagnon lorsque l’on est pacsé. Même Simone de Beauvoir appelait Nelson Algren, son amant américain, « mon mari », ce qui est le comble. Que dit-on ? Mon ami, mon mec, mon fiancé…

P. B. – Le mot « fiancé » est intéressant. Il signifie que ce à quoi nous rêvons tous est d’un mariage qui ne serait pas accompli dans ses formes officielles, qui serait toujours à l’état d’embryon, de commencement miraculeux ; demeurer des amants éternellement.

L. F. – Il est vrai qu’à la fin du XIXe siècle, compte tenu de l’espérance de vie, on s’engageait pour moins longtemps qu’aujourd’hui…

P. B. – Les femmes mouraient plus jeunes, souvent en couches. Une étude montre que finalement la durée des mariages au XVIIIe siècle était à peu près la même qu’aujourd’hui.

L. F. – Et je suis certaine que le nombre des infidélités également. La possibilité de se séparer ne rend pas les gens plus fidèles.

P. B. – 40 % des divorces sont prononcés pour cause d’adultère. La grande nouveauté, c’est que l’adultère est aujourd’hui partagé de la même manière par les hommes et les femmes. Devenues financièrement indépendantes et disposant de la maîtrise de la procréation, les femmes sont totalement libres. Là, résident les vraies révolutions.

(1) Le Mariage d’amour a-t-il échoué ? (éd. Grasset).

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